« Il faudra témoigner évidemment, mais il faudra surtout que l'on nous croie » l'écrivain français poète pressentait que le principal ennemi de la mémoire de l'impensable serait l'incrédulité.Robert Desnos est mort en Tchécoslovaquie, dans le camp de Theresienstadt, à Terezin. Il était l'un des « mousquetaires de la fourchette » de l'histoire que révèle depuis 2008 Anne Georget.Réalisatrice de documentaire, elle s'est faite l'écho d'un carnet de recettes écrit par des femmes déportées dans un camp en Tchécoslovaquie. Agées, affamées, persécutées, ces femmes détenues écrivaient sur les bouts de papier qu'elles trouvaient, des recettes de cuisine du temps d'avant, du temps où elles avaient une famille, un foyer, une identité, une humanité. Des recettes écrites pour « savourer » chaque ingrédient, affirmer leur identité propre, leur origine, la réalité de leur vie avant qu'elles ne soient réduites à un numéro tatoué sur le bras, ou écrit sur une fiche administrative.Après la diffusion du film documentaire sur ce carnet, « Les recettes de Minna », Anne Georget a commencé à recevoir du courrier de proches de déportés. Elle a alors pris conscience que l'incroyable s'était reproduit, qu'il n'y avait pas un mais plusieurs carnets, dans des camps de concentration allemands, mais ailleurs également, en Sibérie, au Goulag, au Japon, dans les camps de détenus américains. Un acharnement à vivre et une force de l'imagination telle que par les détenus -hommes et femmes- symboliquement se nourrissaient de mots et de repas rêvés.Longtemps cachés, au fond des cœurs et des armoires, ces feuillets, carnets, bouts de tissus sur lesquels les recettes étaient écrites, les échanges « oraux », les récits qui n'ont jamais pu passer par l'écrit sont aujourd'hui autant de témoignage d'humanité et de vie.