Le Beau idéal résout une difficile équation qui mêle mémoire, identité, genre et violence de l'enfance. Récit en vers. “La scène se passe dans un avant mythique”. Un contresens voudrait qu'on inscrive ce livre dans l'agitation contemporaine autour du genre. Le Beau idéal est un livre situé dans une période, les années 60, où le mot cisgenre n'était pas près d'entrer dans le Robert. Pour dissiper tout malentendu, je suis bêtement cisgenre : sans être d'une virilité folle, je n'ai rien d'un homme-femme, je ne suis ni une Ielle ni un Ellui. Pas de fluidité qui tienne. Si j'ai pu me sentir “mégenré” à un moment donné, c'est par le seul regard maternel, dont je ressentais qu'il ne m'accueillait pas comme garçon, dans une quelconque virtus, mais presque exclusivement dans une joliesse que j'exécrais — et qui en même temps était à peu près pour moi le seul moyen d'entrevoir l'éden de l'amour maternel. C'est là tout le sujet de ce livre. Olivier Ragasol-Barbey Illustré de détails de peintures, dessins et gravures de Catherine André "Il avait une manière assez ignoble de s'empourprer qui n'était pas de la honte, plutôt une rage emmagasinée, avec quelque chose de méchant dans cette rougeur qui évoquait plutôt une cuisson : le homard allait-il jaillir bouillant de cette colère hors de la marmite ? J'étais affreusement gêné pour lui : ce n'était pas de la compassion, loin de moi l'idée même de prendre sa défense. Tout l'accusait.Tout le monde se lave les mains de ses tourments. Pour moi, ce n'est jamais une revanche ou un répit d'assister aux lynchages, ni même de me les remémorer : je suis sans doute le suivant sur la liste. Il suffirait qu'ils le finissent ou qu'ils se lassent de lui, qu'il leur prenne de regarder ailleurs. L'étranger. Proche. Mon vieux frère. Simple martyr de cour de récré." Epub accessible aux aveugles et mal-voyants (textes de substitution rédigés par l'artiste Catherine André).