George Sand (1804-1876) "Le jeudi 31 mars 1814, la population de Paris s’entassait sur le passage d’un étrange cortège. Le tsar Alexandre, ayant à sa droite le roi de Prusse et à sa gauche le prince de Schwarzenberg, représentant de l’empereur d’Autriche, s’avançait lentement à cheval, suivi d’un brillant état-major et d’une escorte de cinquante mille hommes d’élite, à travers le faubourg Saint-Martin. Le tsar était calme en apparence. Il jouait un grand rôle, celui de vainqueur magnanime, et il le jouait bien. Son escorte était grave, ses soldats majestueux. La foule était muette. C’est qu’au lendemain d’un héroïque combat des dernières légions de l’empire, on avait abandonné et livré la partie généreuse de la population à l’humiliante clémence du vainqueur. C’est que, comme toujours, en refusant au peuple le droit et les moyens de se défendre lui-même, en se méfiant de lui, en lui refusant des armes, on s’était perdu. Son silence fut donc sa seule protestation, sa tristesse fut sa seule gloire. Au moins celle-là reste pure dans le souvenir de ceux qui ont vu ces choses. Sur le flanc du merveilleux état-major impérial un jeune officier russe d’une beauté remarquable contenait avec peine la fougue de son cheval. L’homme était de haute taille, mince, et d’autant plus serré dans sa ceinture d’ordonnance, dont les épais glands d’or retombaient sur sa cuisse, comme celle des mystérieux personnages qu’on voit défiler sur les bas-relief perses de la décadence . peut-être même un antiquaire eût-il pu retrouver dans les traits et dans les ornements du jeune officier un dernier reflet du type et du goût de l’Orient barbare." 1814 : Napoléon vaincu, les vainqueurs défilent à Paris. Le cheval du prince Mourzakine bouscule Francia, une jeune "grisette". Le jeune prince est consigné et trouve un hébergement chez une lointaine parente. Mais la jeune fille blessée désire le rencontrer : elle le connaît...