Juliette Pary (1903-1950) "Jim Joy, auteur de romans policiers, contemplait sombrement son thé, ses toasts beurrés, ses œufs au lard, son porridge, son roastbeef froid, son grappe-fruit et sa marmelade d’orange . en un mot, son premier déjeuner léger. – Jimmy, vos œufs au lard vont refroidir, dit doucement May. – Mes œufs au lard ! Elle me parle de mes œufs au lard quand je pense, à mon roman policier ! – Un peu de porridge, Jimmy ? C’est très bon pour les intellectuels surmenés ! – Vous ne vous rendez pas compte des affres tragiques de ma situation, May ! Je me débats dans les tourments de la création, et vous m’offrez une tartine au lieu d’un titre et des Quaker Oats à la place d’une intrigue ! – Vraiment, Jimmy, je ne comprends pas votre agitation. Vous avez eu beaucoup de succès, jusqu’ici... – C’est bien cela qui me tourmente ! Cessez de beurrer des toasts, May, et je vous dirai la vérité, à vous, à vous seule. J’ai eu beaucoup de succès, mais pourquoi ? Parce qu’aucun de mes livres n’était de moi ! Rassurez-vous, c’est moi qui les ai écrits . mais selon des formules toutes faites. J’ai utilisé des recettes à succès, et le public m’a applaudi ! J’ai fait trois romans policiers : le premier à la manière d’Edgar Wallace, le second à la manière d’Agatha Christie, le troisième à la manière de Philips Oppenheim. Je suis un imitateur-né, j’ai saisi les trucs et les ficelles du métier, et sans plagier les maîtres, j’ai réussi à me modeler sur eux. Mes trois romans se sont vendus comme leur modèle, et mon éditeur m’en demande un quatrième." Quand un auteur de romans policiers à succès joue au détective...