Edouard Corbière (1793-1875) "Un jour que la brume d’automne, chassée par un vent d’Ouest assez fort, commençait à s’étendre sur les flots qui s’agitent presque continuellement entre l’île d’Ouessant et le terrible Raz-des-Saints, une petite barque de pilote, surmontée d’une misaine et d’un taille-vent, tournoyait au milieu des lames, dans le passage de l’Iroise, attendant les navires qui voudraient entrer à Brest ou relâcher à Camaret. En courant ça et là des bordées, tantôt au Nord-Nord-Ouest, tantôt au Sud-Sud-Ouest, le vieux patron du bateau s’entretenait gravement, la barre en main, avec les deux marins qui composaient son équipage. C’étaient tous trois de ces hommes simples, moitié cultivateurs, moitié matelots, comme la plupart de ces braves gens qui naissent sur les îlots et les rivages de la Basse-Bretagne. L’île d’Ouessant, posée avec son phare célèbre, à sept lieues de Brest, en sentinelle avancée de l’Océan, était la patrie du pilote Tanguy et de ses deux compagnons. La conversation qu’ils avaient entamée en bas-breton, en courant leurs bordées, roulait sur différents objets, monotone et inconstante, comme les vagues qui battaient la petite barque. – Maître Tanguy, dit l’un, des jeunes matelots, vous allez souvent à Brest, vous, n’est-ce pas ? Pour moi, je ne l’ai encore vu ce fameux Brest, qu’en traversant le Goulet. On dit que c’est une bien belle ville. – Superbe, répond Tanguy à son élève Jean-Marie. Il n’y a rien de plus beau que le spectacle . mais ce qu’il y a de plus joli, c’est le bagne, où l’on garde huit mille forçats habillés en rouge de la tête aux pieds. – Qu’est-ce que c’est que ça, le spectacle ?" Tanguy, marin de l'île d'Ouessant, repêche, sur les lieux d'un naufrage, deux enfants déposés dans une cage à poules. Il décide de les élever : son matelot Jean-Marie sera le parrain de la fille et lui celui du garçon.... Edouard Corbière est considéré comme l'un des pères du roman maritime.
Nombre de pages : 153
Date de publication :
Éditeur : La Gibecière à Mots