Jules Lermina (1839-1915) "Il y avait trois mois à peine que j’avais passé ma thèse et conquis enfin ce grade de docteur qui était toute l’ambition de ma jeunesse. Avec quelle joie j’avais écris à mon brave homme de père, avec quelle émotion j’avais ouvert la lettre m’apportant, avec ses félicitations chaleureuses, le billet de cinq cents francs qui allait permettre mon installation à Paris. Médecin à Paris ! et vingt-sept ans ! il faut avoir passé par ces illusions pour en comprendre toute la force, pour en déguiser toute la saveur. J’étais estimé de mes professeurs, j’avais subi mes examens dans des conditions exceptionnelles de succès . j’avais, en ces années d’étude, conquis quelques amis sûrs : n’est-il pas vrai que l’avenir devait m’apparaître radieux ? Mes ressources étaient minces, il est vrai : je savais que mon père, petit cultivateur de la Sarthe, s’était imposé un dur sacrifice en m’envoyant une petite somme, et qu’il ne me fallait plus compter que sur moi-même. Mais j’avais foi en moi, en ma passion de travail, en la science qui est indulgente à qui l’aime sincèrement. Je me mis donc résolument à l’œuvre, prenant pour objectif prochain l’agrégation, que j’étais décidé à poursuivre, tout en commençant à pratiquer. J’étais robuste, j’étais sobre . en résumé, je me trouvais en conditions excellentes, et je dois d’autant mieux le reconnaître qu’aujourd’hui je suis arrivé, et au delà, au but que je m’étais fixé. Ce serait coquetterie de ma part que d’insister sur la dureté des premiers temps, que je regrette peut-être quelquefois, ces temps de jeunesse où paraît si bon le pain arrosé d’un verre d’eau. Recueil de 3 nouvelles : "L'élixir de vie" : Peut-on repousser la mort ? "La deux fois morte" : L'amour est-il plus fort que la mort ? "L'énigme" : La mort peut-il être un remède ?