Fortuné du Boisgobey (1821-1891) "Le vieux Paris s’en va. On a démoli l’ancien Hôtel-Dieu, mais il attristait encore, il y a dix ans, le parvis Notre-Dame, et sa façade délabrée barrait la vue de la rivière à ceux qui venaient admirer la cathédrale immortalisée par Victor Hugo . – des provinciaux ou des étrangers, ceux-là, car les vrais Parisiens visitent peu les monuments et ne s’avisent guère d’aller flâner dans la Cité. C’est un quartier pauvre, habité par de tout petits rentiers qui sortent rarement, et qui n’apprécient pas les beautés architecturales de l’église bâtie sous Philippe-Auguste. En ce temps-là, pourtant, la place déserte et silencieuse s’animait le jeudi et le dimanche, les jours où les parents des malades de l’hôpital étaient admis à les voir . mais ces réceptions, autorisées par l’Assistance publique, contrastaient avec celles qui attirent de luxueux équipages à la porte des grands hôtels du faubourg Saint-Germain. C’était un va-et-vient de pauvres diables qui arrivaient à pied et qui s’en allaient de même . cependant, ces jours-là l’aspect du parvis devenait presque gai, et le tableau valait qu’on l’observât. Par un beau jeudi de printemps de l’an de grâce 1874, deux messieurs s’en régalaient, d’une des plus hautes fenêtres du long bâtiment de l’Hôtel-Dieu. Le plus jeune, en bras de chemise, fumait sa pipe, accoudé sur l’appui de la croisée, et il était là chez lui, car il y avait dans l’hôpital des logements réservés aux internes, et il en occupait un depuis six mois qu’il avait été reçu à l’internat, après un très brillant examen. C’était un garçon de bonne mine, et sa tenue débraillée ne l’empêchait pas d’avoir ce que l’on appelle l’air distingué. Il avait de grands yeux noirs et ce teint pâle qui plaît tant aux femmes romanesques. L’autre, qui se tenait debout près de lui et qui ne fumait pas, était un homme d’une quarantaine d’années, grand, maigre et sec, porteur d’une figure osseuse et longue, coupée en deux par une formidable paire de moustaches hérissées, des moustaches à la Victor-Emmanuel . serré avec cela dans une redingote noire, taillée militairement, et coiffé d’un chapeau à larges bords, évasé par le haut." Deux amis, l'interne en médecine Daubrac et le philanthrope Mériadec, observent les gens sur le parvis de Notre-Dame de Paris . Ils décident, par amusement, de suivre un couple d'amoureux, dont la femme cache son visage avec une voilette bleue, et qui grimpe en haut des tours. Mais quelques minutes plus tard, une femme portant une voilette bleue, tombe et s'écrase sur le parvis. Est-ce la même femme ? L'amoureux est arrêté . est-il l'assassin ? Daubrac et Mériadec décident d'enquêter...
Nombre de pages : 261
Date de publication :
Éditeur : La Gibecière à Mots