Anatole France (1844-1924) "En ce temps-là, Balthasar, que les Grecs ont nommé Saracin, régnait en Éthiopie. Il était noir, mais beau de visage. Il avait l’esprit simple et le cœur généreux. La troisième année de son règne, qui était la vingt-deuxième de son âge, il alla rendre visite à Balkis, reine de Saba. Le mage Sembobitis et l’eunuque Menkéra l’accompagnaient. Il était suivi de soixante-quinze chameaux, portant du cinnamome, de la myrrhe, de la poudre d’or et des dents d’éléphant. Pendant qu’ils cheminaient, Sembobitis lui enseignait tant l’influence des planètes que les vertus des pierres, et Menkéra lui chantait des chansons liturgiques . mais il ne les écoutait pas et il s’amusait à voir les petits chacals assis sur leur derrière, les oreilles droites, à l’horizon des sables. Enfin, après douze jours de marche, Balthasar et ses compagnons sentirent une odeur de roses, et bientôt ils virent les jardins qui entourent la ville de Saba. Là, ils rencontrèrent des jeunes filles qui dansaient sous des grenadiers en fleurs. – La danse est une prière, dit le mage Sembobitis. – On vendrait ces femmes un très grand prix, dit l’eunuque Menkéra. Étant entrés dans la ville, ils furent émerveillés de la grandeur des magasins, des hangars et des chantiers qui s’étendaient devant eux, ainsi que de la quantité de marchandises qui y étaient entassées. Ils marchèrent longtemps dans des rues pleines de chariots, de portefaix, d’ânes et d’âniers, et découvrirent tout à coup les murailles de marbre, les tentes de pourpre, les coupoles d’or, du palais de Balkis. La reine de Saba les reçut dans une cour rafraîchie par des jets d’eau parfumée qui retombaient en perles avec un murmure clair. Debout dans une robe de pierreries, elle souriait." Recueil de 7 nouvelles : "Balthasar" - "Le réséda du curé" - "M. Pigeonnau" - "La fille de Lilith" - "Laeta Acilia" - "L'oeuf rouge" - "Abeille".
Nombre de pages : 114
Date de publication :
Éditeur : La Gibecière à Mots