Anatole Le Braz (1859-1926) "Ceux de mes compatriotes qui ont connu Ervoanic Prigent se le rappellent encore. Il était de ces types qu’on n’oublie pas. Quand on le voyait paraître dans les bourgs du Trégor, – avec son éternel chapeau haut de forme, aux plis avachis d’accordéon, que festonnait une guirlande de fausses fleurs, avec son antique habit à queue dont les longues basques traînantes faisaient derrière lui une espèce de sillage dans la poussière ou la boue des rues, – vite, les enfants accouraient de tous les seuils, et c’étaient à chacun de ses pas des appels bruyants, des cris à fendre les oreilles : – Ervoanic ! Ervoanic ! Lui, habitué à ces ovations, les accueillait avec une condescendance hautaine de souverain en tournée, ne s’offusquant même point si elles dépassaient parfois les bornes des familiarités permises. Il se campait fièrement, au beau milieu de la place du village, croisait l’un sur l’autre les revers de son habit à basques, promenait autour de lui un regard digne, et envoyait de la main les saluts protecteurs à toute la séquelle des polissons. Il était réputé pour un être simple, ou, comme on dit là-bas, pour un "innocent". On s’en amusait, tout en lui témoignant cette sorte de vénération superstitieuse qui s’attache, en Basse-Bretagne, à la sacro-sainte confrérie des mendiants. À vrai dire, cependant, Ervoanic ne mendiait pas. Jamais on ne le vit tendre son chapeau sur la route, ni quêter aux portes un morceau de pain. Il eût refusé l’aumône, si on la lui avait offerte. Ses principes, là-dessus, étaient inflexibles. Non, Ervoanic Prigent, roi des royaumes illimités du rêve, ne sollicitait la charité de personne : il se contentait, selon sa propre expression, de "vivre sur le commun ". Par ces sept histoires, Anatole Le Braz nous invite au bout du monde afin de faire connaissance avec l'âme sensible de ses habitants. Un voyage en Bretagne avec un petit détour en Irlande. "Péché d'innocent" - "L"incendie du Vendredi saint" - "Le sonneur de Garlan" - "La barrique d'or" - "Le roman de Laurik Cosquêr" - "Le trésor de Noël" - "Chez le dernier des Nial Mor"
Nombre de pages : 135
Date de publication :
Éditeur : La Gibecière à Mots