Légendes contemporaines.Un arbre vengeur, les dernières minutes de vie d’un as de l’aviation, une dédicace catastrophique, un crime inavoué, le pacte méphistophélique d’une aïeule, des mains guérisseuses, un crâne qui bouge et une fillette terrorisée... La vallée de la Meuse ou de la Semoy, univille, le Sedanais et l’Argonne sont les décors où l’auteur a boulonné ces étranges récits, comme des légendes contemporaines.Découvrez un recueil de récits étranges et plongez dans de nombreux décors différents.EXTRAITJe sors de l’église de Mohon et inspire une grande goulée d’air. J’en ai besoin après la sensation d’avoir subi la cérémonie en apnée. L’odeur de cire, d’encens et de cierges éteints, mélangée aux relents de sueur, pas assez couverte par le parfum bon marché des grenouilles, remontant l’allée centrale à petits pas clapotant comme l’eau croupie et sacrée du bénitier m’a donné la nausée. À moins que ce soit la peur de la mort, tout simplement, qui m’effleure de son doigt décharné…Je prends place à côté de ma mère et serre la main de gens que je ne connais pas. Elle s’arrange pour les appeler par leur nom ce qui m’aide un peu à situer les liens qu’ils entretenaient avec mon père. Je l’ai parfois entendu parler d’eux. Elle m’a toujours dit de ne rien accepter venant d’inconnus… Qu’il en soit ainsi. Je ne veux pas de leur pitié et me réfugie derrière un blindage, froid et indifférent à leur compassion, sincère ou surfaite. Le dernier de la file, cheveux gris plaqués au-dessus d’un visage inconnu m’écrase les métacarpiens, et s’éloigne sans se retourner. Ma mère ne pleure plus et hausse les épaules en grimaçant, signe qu’elle ignore aussi qui il est. Elle me prend le bras, m’incite à avancer vers le parvis en me félicitant pour le petit texte que j’ai eu beaucoup de mal à lire devant l’assemblée de fidèles. J’y ai évoqué mes souvenirs d’enfance, ce que mon père représentait pour moi, ma ressemblance…— Tu as la même voix que lui et les mêmes expressions, affirme-t-elle. Et plus les années passent, pire c’est.— Oui, je sais ! Surtout quand je grimaçais en me rasant le matin… C’est bien pour ça que je garde la barbe.A PROPOS DE L'AUTEURThierry Dufrenne : Je suis né à Montcy-Notre-Dame, j’ai grandi à Mohon et habité Charleville. Avant de quitter cette ville, j’ai empoché des graines avec l’envie de faire pousser ces courtes histoires. Elles ont germé en donnant de bien tortueux plants. Leur écriture a débuté sans qu’elles soient géographiquement situées dans les lieux où j’avais volé la semence. Puis, j’ai estimé que ce qui appartenait aux Ardennes devait revenir aux Ardennes, dans la terre de mes anciennes racines, avec nostalgie très souvent.