Alexandre Dumas (1802-1870) "C’était un rude veneur que le seigneur Jean, baron de Vez. Quand vous suivrez la belle vallée qui va du Berval il Longpré, vous verrez à votre gauche une vieille tour qui vous paraîtra d’autant plus haute et d’autant plus formidable qu’elle est isolée. C’est aujourd’hui la propriété d’un vieil ami de celui qui raconte cette histoire, et tout le monde est tellement habitué à son aspect, si terrible qu’il soit, que le premier paysan venu va chercher, l’été, l’ombre de ses hautes murailles sans plus de crainte que les martinets aux grandes ailes noires et aux cris aigus, et les hirondelles aux doux gazouillements, qui, chaque année, viennent y suspendre leurs nids. Mais, à l’époque dont nous parlons, c’est-à-dire vers l’an 1780, la demeure seigneuriale de Vez ne présentait pas le même aspect et n’offrait pas, il faut le dire, la même sécurité. C’était une bâtisse du douzième ou du treizième siècle, sombre et sévère, à laquelle, extérieurement du moins, la succession des années n’avait rien ôté de sa formidable physionomie. Il est vrai que la sentinelle, au pas mesuré et au casque resplendissant, ne se promenait plus sur ses remparts . il est vrai que l’archer au cor aigu ne veillait plus dans sa tour . il est vrai que deux hommes d’armes ne se tenaient plus à la poterne, prêts, au moindre signal d’alarme, à baisser la herse et à lever le pont. Mais la solitude même de l’édifice, au centre duquel la vie semblait s’être retirée, donnait au sombre géant de granit, la nuit surtout, la terrifiante majesté des choses muettes et immobiles." Thibaut est sabotier et vit dans la forêt. De temps en temps, il braconne. Lors d'une malheureuse rencontre avec le baron de Vez, lieutenant de louveterie, il est humilié et bastonné devant la jeune Agnelette qui intercède en sa faveur. Thibaut rentre chez lui et est surpris de trouver dans son étable, au lieu de sa chèvre, le daim pourchassé par le baron de Vez, ainsi qu'un loup noir...