Durant l'été 1724, au pire des chaleurs orageuses, la dépouille d'un homme est déterrée, étripée, salée. Puis, en dépit des abominables relents de putréfaction qui s'en dégagent, on la traîne par les chemins de la paroisse, accrochée à l'arrière d'une charrette, avant de l'exposer devant l'auberge du village. Ainsi passe la justice du Roi. Elle supplicie la mémoire d'un vieil huguenot dont le crime, à l'article de la mort, fut de n'avoir point renié ses convictions religieuses. Ce châtiment effroyable est le dénouement de l'affaire Moïse Gréjon qui suscita, à l'époque, un vif émoi dans le pays. Gérard Boutet - qui descend à la fois du martyr posthume et d'un des délateurs - ressuscite ce « procès à cadavre » dont sa famille fut doublement marquée. Ces pages terribles reposent sur des faits authentiques. C'est l'intolérance de tous les temps, quels que soient les croyances et les prétextes, qui s'y trouvent mises en accusation. Au-delà de l'anecdote macabre, le livre renvoie à un fanatisme qu'on voudrait éteint à jamais.