La Comédie humaine - Études de moeurs. Troisième livre, Scènes de la vie parisienne - Tome II. Dixième volume de l'édition Furne 1842. Extrait : Il est plus difficile d’expliquer la différence qui distingue le grand monde de la bourgeoisie qu’il ne l’est à la bourgeoisie de l’effacer. Ces femmes, gênées dans leurs toilettes, se savaient endimanchées et laissaient voir naïvement une joie qui prouvait que le bal était une rareté dans leur vie occupée . tandis que les trois femmes qui exprimaient chacune une sphère du monde étaient alors comme elles devaient être le lendemain, elles n’avaient pas l’air de s’être habillées exprès, elles ne se contemplaient pas dans les merveilles inaccoutumées de leurs parures, ne s’inquiétaient pas de leur effet, tout avait été accompli quand devant leur glace elles avaient mis la dernière main à l’œuvre de leur toilette de bal . leurs figures ne révélaient rien d’excessif, elles dansaient avec la grâce et le laisser-aller que des génies inconnus ont donnés à quelques statues antiques. Les autres, au contraire, marquées au sceau du travail, gardaient leurs poses vulgaires et s’amusaient trop . leurs regards étaient inconsidérément curieux, leurs voix ne conservaient point ce léger murmure qui donne aux conversations du bal un piquant inimitable . elles n’avaient pas surtout le sérieux impertinent qui contient l’épigramme en germe, ni cette tranquille attitude à laquelle se reconnaissent les gens habitués à conserver un grand empire sur eux-mêmes.