Emmanuel Bove (1898-1945) "Par une douce soirée d’hiver, André Poitou s’achemina à pas lents vers l’hôtel Gallia. De nombreux consommateurs étaient attablés à la terrasse des cafés. Ils apercevaient, à travers un brouillard jaunâtre et mobile, les arbres dénudés du boulevard, les lumières tremblantes des enseignes et cette foule où même le promeneur aux vêtements clairs passe inaperçu. Les fêtes de Noël approchaient. Derrière les vitres embuées des restaurants, aux tringles des rideaux, non de dentelle innocente mais de velours, pendaient des pancartes de carton glacé sur lesquelles les patrons vantaient, en caractères d’imprimerie, les avantages de leur réveillon. André Poitou avait voulu se rendre seul à l’hôtel Gallia où ses parents et amis avaient organisé, ce soir-là, un banquet pour fêter sa récente nomination dans l’ordre de la Légion d’honneur. Mais cela n’avait pas été sans mal qu’il s’était débarrassé de son frère Maurice qui, depuis plusieurs jours déjà, souhaitait de faire une sorte d’entrée triomphale dans la salle du banquet au côté du nouveau légionnaire. André Poitou ne se hâtait pas. Cet instant de solitude précédant un hourvari comme jamais il n’en avait connu lui semblait délicieux. Tout contribuait d’ailleurs à entretenir sa joie." André Poitou, chausseur, a reçu la Légion d'honneur. Il organise un superbe banquet pour fêter cet événement. Mesquineries, jalousies et rancoeurs sont de la partie...